LA BATAILLE DE BRIGNAIS MARS /AVRIL 1362
Le contexte
Jean II dit le Bon vient de sortir des 4 années passées dans les geôles anglaises suite à sa défaite à la bataille de CRECY (1346) durant laquelle son fils Philippe aurait prononcé cette phrase célèbre : père gardez-vous à droite, père gardez-vous à gauche (dixit nos manuels d’histoire). Contrairement à ce que l’on pouvait supposer, ces 4 années de captivité se sont déroulées très agréablement. Hébergé dans un château, il courait de fêtes en fêtes, on peut supposer que lorsque la rançon fut versée il en a éprouvé un grand regret.
La guerre contre l’Angleterre étant terminée, les troupes furent licenciées, mais faute d’un endroit ou revenir et surtout de savoir que faire pour subvenir à leurs besoins, ces dernières se sont jointes aux compagnies que l’on avait appelé Tard-venus parce que, dit-on, elles arrivaient après la bataille pour piller les cadavres.
Ces compagnies sont parties du Nord Est de la France et ont ravagé tout sur leur chemin (pillages, viols, meurtres …), elles sont allées en Provence pensant que le pape y ayant son palais, la province était riche. Le pape n’ayant pas voulu payer tribut, la province fut ravagée et il fut obligé de payer 1OO.OOO florins d’or pour que les Tard-venus s’en aillent. Ce qu’ils firent n’ayant plus rien à piller. Ils partirent ensuite vers le Languedoc et furent défait. Poursuivit par l’armée du Languedoc, ils remontèrent vers la Saône et Lyon dont les richesses connues les attiraient. Arrivés sur place, ils purent constater que cette dernière était trop bien défendue et repartirent vers le GIER s’emparant de Rive de Gier (qui leur servit de base). L’idée restant bien entendu, de prendre possession de LYON.
Le roi Jean le Bon s’émeut des exactions commises par les Tard-venus et convoque la chevalerie pour lutter contre ce fléau, le comte de TANCARVILLE en prend la tête (ils sont 6000 chevaliers et 6000 fantassins, archers, piétailles).
La bataille de Brignais
Pendant que l’armée royale se constitue, les Tard-venus arrivent près de ST GENIS (place forte qu’ils envahissent) et s’emparent du château et des fortifications de Brignais (pour information cette dernière avait été sous gouverne papale et transmise à la cure sous le chapitre de Saint-Just en remerciement des soins donnés par Guy de CHAULIAC, médecin célèbre qui soignait le pape, le roi et toute la haute noblesse (une rue porte son nom dans BRIGNAIS) et dont les écrits médicaux avaient encore force de loi au 17e siècle. Ce médecin, sur les routes en permanence afin de s’occuper de ces nobles patients, ignorait l’approche des Tard-venus, or les murailles de Brignais étaient en piteux état, ce qui a permis à ces derniers de prendre la place sans aucun problème.
Les Tard-venus ayant toujours l’intention d’envahir Lyon se retirent de Brignais en laissant 3oo soldats.
L’armée royale arrive sur place et le cousin du roi, le comte de la Marche (un Bourbon) décide de prendre la tête des troupes à la place de Tancarville. Il est avec son fils ainé et son plus jeune. Il décide de ne pas attendre les troupes qui viennent en renfort de Savoie et attaque BRIGNAIS, démontrant ainsi sa stupidité en matière de stratégie. Les troupes royales passent par le Pont vieux à la sortie duquel se trouve la porte de Brignais, et sont déboutées 2 fois.
Elles se retirent dans leur campement qui se trouve dans une plaine vers le cimetière de BRIGNAIS (site actuel d’une zone industrielle juste avant le centre commercial de St Genis Laval). Cette plaine est traversée par un ruisseau qui fut appelé par la suite MERDANSON (mare de sang) car on dit qu’après la bataille l’eau était rougie par le sang déversé. Une rue proche porte également ce nom.
Pendant ce temps des Estafettes préviennent les Tard-venus disséminés dans la région et ces derniers se regroupent et arrivent durant la nuit sur le périmètre. Ils se cachent dans le bois des Chênes (site actuel des hautes Barolles ) et attendent. Le lendemain, la troupe royale prenant son temps, adoube les nouveaux chevaliers, prend son déjeuner (pantagruélique) prépare armes et chevaux et se met en selle pour la bataille vers 15 H. Ils voient apparaître vers le grand Morillon une troupe dépenaillée qui les harangue, les chevaliers s’élancent derrière eux, mais la côte est dure à monter avec les armures, les chevaux caparaçonnés et les armes. Arrivés en haut, ils sont attendus par une grosse partie des Tard-venus qui leurs lancent des pierres (telles que celles qui composent le pavé du pont neuf et qui ont été laissé par le glacier du Rhône) les chevaliers reculent une première fois puis regrimpent pour charger et là de nouveau sont attendus par une troupe plus nombreuse qui blesse les chevaux, les désarçonne, les cavaliers survivants rebroussent chemin en piétinant l’infanterie qui les suivait. Par ailleurs une autre partie des troupes de Tard-venus avait contourné la colline pour les empêcher de s’enfuir, participant ainsi au carnage de l’armée du roi. Sur les 6OOO chevaliers et les 6000 archers, fantassins, piétailles … 10 000 furent tués.
Pour infos, Le comte de la Marche a utilisé les services (moyennant une forte somme) d’un capitaine Tard-venus et de sa troupe. On pense que ce dernier envoyé en éclaireur les a trahi et a donc aidé à précipiter l’armée du roi dans le piège. La noblesse française fut la risée de toutes les cours royales d’Europe lorsque ces dernières apprirent que des manants les avaient défait. C’est probablement la raison pour laquelle cette bataille ne figure pas dans les livres d’histoire. Elle nous est parvenue grâce à 3 écrits dont 2 émanent de récits fait par des capitaines Tard-venus et le 3e par un récit fait à MONTPELLIER de tous les évènements de l’époque.
Les chevaliers qui n’avaient pas été tués furent capturés pour demander rançon, y compris le comte de la marche et son fils ainé, qui, blessés mortellement furent emmenés à la pierre souveraine (déposée par le glacier du Rhône comme le célèbre gros caillou de la Croix-Rousse ). Ce rocher porte ce nom parce que, dit-on, il a accueilli les membres mourants de la famille royale, d’autres pensent que ce serait du à la visite du futur Henri IV qui serait venu conter fleurette à une jeune femme sur ce lieu, plus vraisemblablement le domaine sur lequel se trouve le rocher appartenant à la famille souverain lui aurait donné son nom. (les propriétaires actuels du domaine n’autorisent plus les visites sur le site ).
Les Tard-venus constatant que le comte de la Marche et son fils étaient mourants, comprirent qu’ils ne pourraient en tirer rançon. Ils les laissèrent repartir pour Lyon où ils furent enterrés dans la chapelle des Jacobins. Le fils cadet ayant reçu un coup d’épée sur la tête en resta « fol » jusqu’à la fin de sa vie.
Le comte de TANCARVILLE paya rançon et fut relâché rapidement. Dans les années qui suivirent, il devint l’un des capitaines de DUGUESCLIN et mourut des suites d’une blessure 8 ans après la bataille de Brignais.
L’après bataille de Brignais (1364/1365 )
L’ensemble de la noblesse n’est pas capable de protéger la France, d’où conséquences catastrophiques de l’après bataille de Brignais. Sur le plan local c’est la terreur perpétuelle, les Tard-venus veulent les richesses de Lyon, mais la ville augmente ses défenses en payant soldats et éclaireurs qui surveillent les brigands.
Les villages eux n’ont pas les finances pour le faire.
La route est donc libre pour le pillage. Les Tard-venus dirigés par Séguin de Badefol ont commis énormément d’exactions dans les villages environnants telles qu’à la chapelle st Vincent d’Agny où une centaine d’ habitants du hameau s’était réfugié en voyant la soldatesque arriver. Les brigands ont enfoncé la porte, tué, violé et mis le feu au clocher en bois. Aucun habitant n’est épargné.
Bien plus tard un écrit papal donne ordre à un prêtre de Lyon de faire dans la chapelle St Vincent une « réconciliation » qui consiste à exorciser par des prières et de l’eau bénite le mal qui y a été fait. Cet office fait par le curé de St Genis Laval a eu lieu le 31 mars 1965.
Presque tous les capitaines Tard-venus ont eu une fin tragique, comme le capitaine Petit Meschin (meschin à l’époque voulait dire valet) qui s’était enrôlé avec ses soldats dans les troupes de Dugesclin pour se battre en Espagne et qui mourut empoisonné lors d’un repas où l’avait convié le roi d’Espagne.
Un autre, ayant conquis la place forte d’Anse (Toussaint 1364) y resta cantonné longtemps puis finit par accepter un tribut pour en partir, il mourut dans les années qui suivirent.
Cette bataille qui aurait dû figurer dans nos manuels d’histoire, ne nous est parvenue que fragmentée par des récits fait auprès d’écrivains n’étant pas sur place, la famille royale et les nobles de l’époque, ayant tout intérêt à faire silence sur ce désastre qui est arrivé à cause de leur incurie.
Claudette,
une participante à la conférence
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